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sur 5 JUILLET 2025 in MUSIQUE - NADINE CRAUSAZ
PAR NADINE CRAUSAZ
Une histoire hors normes
Le 2 août 2005, Marciac pulsait sous un ciel d’été, ses ruelles pavées résonnant des échos du festival de jazz. La grande scène, érigée chaque année sous une vaste tente, bruissait d’impatience. Ibrahim Ferrer, figure emblématique de la musique cubaine et fidèle de ce rendez-vous gascon, était attendu comme la légende qu’il incarnait, auréolé du triomphe du Buena Vista Social Club. Son public était prêt à se laisser emporter par sa voix chaude et les rythmes envoûtants du boléro cubain. Ce jour-là, je fêtais mon anniversaire.
À son apparition sur scène, sous des applaudissements nourris, un sentiment étrange m’a saisie. Je ne saurais l’expliquer. D’instinct, j’ai su qu’Ibrahim Ferrer vivait ses derniers instants. Les larmes ont coulé ; Etais-je la seule dans cette foule à le pressentir ? Quatre jours plus tard, à 78 ans, il s’éteignait bel et bien à la Havane.
Vingt ans ont passé depuis Marciac. Et les coïncidences n’ont cessé de me lier à Ibrahim Ferrer, à Omara Portuondo et à Raul Paz. Est-ce le hasard ? Le destin ? Comme si quelque chose, ou quelqu’un tirait les fils avec une précision quasi surnaturelle. Cuba, guidée par ses orishas, aurait-elle orchestré ce passage de flambeau, de ses légendes à une nouvelle génération d’artistes ? Je ne sais pas. Je demeure, simplement, témoin face à un mystère plus vaste que moi.
Flash-back
En 2004, lors de mon premier voyage à Cuba, la musique vibrait dans les ruelles malgré les contraintes d’un régime qui l’avait étouffée pendant des décennies. Je découvrais cette perle des Caraïbes, marquée par des contrastes frappants et cet étrange mélange d’amour et de malaise qui vous étreint à chaque coin de rue.
Dans Habana Vieja, Enrique, un ancien combattant de la Colonne 8 dans la Sierra Maestra, m’a accueillie. Il préparait un café délicieux à l’aide d’une chaussette fixée au mur de sa cuisine. C’est là que j’ai rencontré un couple de Français vivant à Nyon. Dans cette ambiance joyeuse, une amitié s’est nouée.
En mai 2005, je suis retournée à La Havane avec mon amie Diane, et l’île s’est littéralement ancrée en nous. Nous avons même écouté le dernier discours marathon de Fidel Castro pour la fête du 1er mai, sur l’emblématique place de la Revolución, parmi plus d’un million de Cubains.
De retour en Suisse, je passe à la Fnac. En quête d’un CD d’Omara Portuondo, je tombe sur Revolución de Raul Paz, un artiste franco-cubain que je ne connaissais pas. Je l’achète sur-le-champ. Ses mélodies fraîches, mêlant pop et sonorités cubaines, me séduisent immédiatement. Cuba était en train de tisser sa toile tout autour de moi.
A propos de Buena Vista, j’avais confié à Diane, avec un soupçon de regret, que tous les artistes devaient être décédés, hormis peut-être Omara. Elle m’a répondu :
– Allons vérifier sur Internet.
Nous avons appris qu’Ibrahim Ferrer était encore bien vivant et même en tournée mondiale ! L’année précédente, il avait remporté un Grammy Award pour son album Buenos Hermanos. Toutefois, un visa lui avait été refusé pour assister à la cérémonie à Los Angeles, en raison des restrictions sévères post-11 septembre 2001.
Pourtant, il goûtait plus que jamais l’élan à sa gloire internationale. Programmé à Marciac en août, il devait aussi se produire à Montreux en novembre. J’ai pensé :
– Pas question de le manquer!
Quelques jours après, les amis français croisés à Cuba m’ont évoqué un festival à Vic-Fezensac, où Raul Paz devait se produire. Je les rejoint sans hésiter. Une complicité instantanée a fait de ce road trip une aventure mémorable dans le sud de la France. À Vic-Fezensac, l’ambiance était électrisante. Le groupe latino a enflammé la scène. Nous avons dansé jusqu’au bout de la nuit et avons sympathisé avec le chanteur et ses musiciens.
De Vic à Marciac
Dans l’élan, nous avons choisi de nous rendre à Marciac pour voir Ibrahim Ferrer, programmé le 2 août. L’atmosphère était plus feutrée que dans le Gers, plus empreinte de jazz. Nous nous sommes faufilés au quatrième rang, fébriles et impatients. C’était le cadeau parfait : mes vœux s’exauçaient !
Lorsqu’Ibrahim Ferrer est apparu, frêle, voûté, sa voix à peine audible, le public s’est figé, déconcerté. Quelques murmures irrités ont fusé, mais moi, j’ai perçu tout autre chose. J’ai été saisie d’une certitude : il était au bout. J’ai appelé Diane, la voix tremblante :
– Je crois qu’il va mourir.
Elle m’a répondu doucement
– Lève la main, envoie-lui de la Lumière.
Dos Gardenias
Puis il a chanté Dos Gardenias. Ce tube emblématique, qui parle d’amour et de trahisons, m’a transpercée. D’instinct, j’ai discrètement tendu les mains vers lui, comme pour lui insuffler une force invisible, murmurant en silence :
– No mueras, no mueras, ne meurs pas, ne meurs pas !
Alors, un moment saisissant s’est produit. Nos regards se sont rencontrés.
Tout au long de la chanson, Ibrahim Ferrer n’a regardé que moi, oubliant les 5 000 spectateurs. J’étais pétrifiée. À côté, un homme a crié, indigné :
– C’est nul, un scandale, remboursez !
– Tu ne vois pas qu’il est en train de s’éteindre ?
Autour, des murmures et une question : pourquoi me fixait-il ainsi ? Quand il eut terminé, il a regagné les loges. Un long intermède musical a masqué l’absence envahissante du vieux crooner, et le concert s’est achevé prématurément. Des spectateurs m’ont abordée :
– Vous le connaissez ? Il n’a regardé que vous !
Mourir à La Havane
En coulisses, Ibrahim s’est écroulé dans les bras de son épouse Caridad. Son petit-fils, membre de son orchestre, a organisé sans tarder son transfert en ambulance vers un hôpital proche, avant un vol pour Cuba.
Notre petit groupe a repris la route. La tristesse était visible sur nos visages. À Sète, un autre festival accueillait Raul Paz. Nous y avons assisté, et l’atmosphère joyeuse qui y régnait a ravivé notre périple. Deux concerts de Raulito en une semaine ? Le remède idéal contre la mélancolie ! J’en avais besoin, après l’épisode bouleversant de Marciac. J’ai confié à Raul :
– J’ai vu Ibrahim Ferrer. Il était au plus mal, je ne sais s’il est encore en vie.
Le lendemain, le 6 août 2005, la nouvelle est tombée : Ibrahim Ferrer s’était éteint à La Havane, entouré de ses proches.
Pas de gardenias mais des roses rouges
Quelques semaines plus tard, fidèle à une promesse intérieure, j’ai pris un vol pour La Havane afin de déposer des roses rouges sur sa sépulture. J’aurais préféré les lui offrir à Montreux, dans un éclat de rire complice et un instant magique au bord du Léman. Le sort en avait décidé autrement.
Des roses rouges sur sa sépulture. Photo Nadine Crausaz
Restait à savoir où se trouvait sa tombe : à Santiago, sa ville natale, ou au cimetière Colón, vaste et paisible, au cœur de La Havane ? J’ai choisi Colón. À l’entrée, j’ai acheté un bouquet de roses rouges et interrogé le gardien pour confirmer qu’Ibrahim Ferrer y reposait. Il m’a indiqué l’emplacement :
– C’est le caveau de la famille Ferrer-Díaz. J’étais là le jour de son enterrement. Suivez-moi, je vous guide.
Une dernière demeure sobre
J’ai découvert sa dernière demeure, sobre, en marbre blanc, ornée de son portrait. J’y ai posé mes fleurs, me suis recueillie un moment, puis je suis partie vers Tulipán, au Musée commémoratif du Che Guevara. Une heure après, de retour dans le cimetière, je croise un homme assis sur le bord du caveau, versant du rhum par terre et en sirotant une gorgée. Je me suis approchée et lui ai raconté mon histoire. Il m’a souri :
– Je suis Alexandre Ferrer, son petit-fils. Aujourd’hui, j’ai 40 ans. Mon premier anniversaire sans lui.
Il m’a invitée à Habana Centro, dans la maison où Ibrahim avait longtemps vécu. Fidel Castro lui avait par la suite attribué une villa, dans le quartier chic de Miramar. Une vingtaine de personnes étaient réunies : voisins, famille, amis. Entre musique, souvenirs et fous rires, nous avons partagé un repas chaleureux et bu du rhum bon marché.
Avec son bâton rituel. Document exposé au musée. Photo NC
Le lendemain, Alexandre m’a emmenée à Miramar, chez la veuve d’Ibrahim, où un petit musée retraçait sa carrière. Entourée de photos, de disques d’or et de trophées internationaux, j’ai exploré son univers. Mon nouvel ami m’a révélé que le vol du bâton rituel de santería, présent sur presque tous ses portraits, avait beaucoup chagriné Ibrahim, fervent adepte de cette religion afro-cubaine mêlant croyances yorubas et catholicisme.
Avant de partir, à la nuit tombée, sur le Malecon, Alexandre m’a remis le numéro de sa mère, Norma, établie à Buenos Aires, en me disant :
– Si tu vas en Argentine, contacte-la de ma part. Mon oncle Ibrahim y vit aussi.
À mon arrivée à Buenos Aires en 2008, je tente de joindre Norma, la fille d’Ibrahim, avec le numéro que m’a donné Alexandre. Mais rien n’aboutit. Sans doute une erreur d’indicatif. Je suis déçue et je finis par abandonner.
Buenos Aires m’accueille les bras ouverts, et je me laisse happer par cette ville envoûtante.
J’ai fait appel à Cicerones, une association qui propose des visites guidées par des bénévoles. Je formule une requête inhabituelle : je cherche un guide passionné par l’histoire de Che Guevara. On me répond aussitôt :
– Nous avons la personne qu’il vous faut. Daniel Peña vous retrouvera demain à 10 h à votre hôtel.
Le lendemain, un homme grand, blond, bâti comme un lutteur, entre dans le hall. Il me salue avec un sourire franc.
– Je ne m’attendais pas à rencontrer une fille, lance-t-il, surpris par ma demande au sujet du Che Guevara.
Nous nous attablons dans un petit restaurant de San Telmo pour organiser la journée. J’évoque La Boca, les lieux emblématiques, mais surtout le Che, bien que son passage à Buenos Aires ait été bref.
– Aucun problème. On m’appelle “le Russe”, et je connais son histoire par cœur !, dit-il avec entrain.
– Daniel, j’aurais besoin de ton aide.
Je lui raconte tout : Marciac, Dos Gardenias, le regard d’Ibrahim Ferrer, Alexandre, la tombe, et ce numéro de téléphone sans réponse.
– J’ai gardé mon billet du concert, j’aimerais le transmettre à son fils.
Daniel m’écoute en silence. Puis, soudain, il se fige. Il sort son téléphone, cherche un contact, compose un numéro.
Et il lance, simplement :
– Ibrahim, salut, c’est le Russe ! On doit se voir. Une Suissesse est ici. Elle était au dernier concert de ton père. Elle a quelque chose pour toi.
Quelle était la probabilité pour que je croise un Argentin qui me conduise directement à Ibrahim Ferrer Jr. dans la mégapole de Buenos Aires ? Quinze millions d’habitants, un labyrinthe de rues, et moi, cherchant en vain à le localiser. En écoutant Daniel parler au téléphone, l’incroyable me frappe : lui et Ferrer sont grands amis !
Le lendemain, dans un café de l’interminable avenue Santa Fe, Ibrahim Ferrer Jr. et son épouse Alejandra me font face. Ils ont les yeux embués. Je déroule mes souvenirs : Marciac, l’intuition, les regards qui se croisent. Puis je leur tends le billet.
Ibrahim le prend, en tremblant:
– Je le garderai toujours, murmure-t-il.
Quelques jours plus tard, j’ai retrouvé Ibrahim Jr. pour assister au concert d’Omara Portuondo et Maria Bethânia, au Luna Park. Grâce à lui, j’ai rencontré cette grande dame, tout sourire, en coulisses. Nous avons pris une photo. Un instant suspendu.
En 2011, Ibrahim Jr. est venu à Fribourg pour un concert avec ses musiciens cubains. Je l’ai interviewé, et notre lien s’est renforcé.
Puis le temps a filé.
En 2022, depuis Mexico, je lui envoie un message, croyant qu’il se trouvait toujours à Buenos Aires. Sa réponse m’éberlue :
– Nous vivons désormais à Mexico City !
Le lendemain, nous nous retrouvions. Et tous ces souvenirs sont remontés dans la conversation.
Puis il a chanté Dos Gardenias. Ce tube emblématique, qui parle
d’amour et de trahisons, m’a transpercée.
IBRAHIM FERRER JUNIOR, UN HÉRITAGE MUSICAL FAMILIAL
Vingt ans après la disparition d’Ibrahim Ferrer, son fils aîné Ibrahim Ferrer Jr., né en 1957 à Santiago de Cuba, perpétue l’héritage du son et du boléro cubain avec authenticité. La famille Ferrer porte la musique dans ses gènes:
Mes sœurs Norma et Marlen, nos enfants et petits-enfants, tous sont artistes – chanteurs, musiciens, danseurs. Tout respire le rythme. Dans le ventre de ma mère, j’étais bercé par ces mélodies. À Santiago, mon père jouait, un verre de rhum en main.
Encouragé dès l’enfance à jouer de multiples instruments – piano, percussions, guitare, et même un violon russe offert par son père –, Ibrahim Jr. rêvait de chanter. Bien que sa voix rauque et grave ait été jugée peu adaptée, il n’a jamais renoncé.
Ibrahim Sr. et Jr. et Norma Ferrer. Une famille qui porte la musique dans ses gènes. Photo DR
Un parcours semé d’embûches
Ibrahim Ferrer Sr. avait déconseillé à son fils une carrière artistique à plein temps, conscient des difficultés du métier. Avant sa consécration à 73 ans grâce au documentaire de Wim Wenders, il avait exercé divers métiers – plombier, charpentier, cireur de chaussures – et chanté aux côtés de Pacho Alonso et Benny Moré. Suivant cet interdit paternel, Ferrer Jr. ouvre un restaurant, Habana Vieja, à Buenos Aires. Mais en 2005, bouleversé par la mort de son père, il ferme son établissement et se lance dans une carrière musicale solo, bravant les réticences initiales. Débuter après 50 ans fut un défi, mais sa détermination reste intacte. S’il n’égale pas le génie de son père, son cœur et son authenticité perpétuent cet héritage musical.
L’épopée du Buena Vista Social Club
En 1997, Ibrahim Jr. participe au projet Buena Vista Social Club comme musicien, choriste et traducteur. Ce qui devait être un simple enregistrement devient un phénomène mondial grâce au documentaire de Wim Wenders : « Rubén González et Compay Segundo agissaient à leur guise. On visait juste un disque, mais Wenders a filmé le studio, réalisant un documentaire vu partout », raconte-t-il. Cette aventure transforme sa vie. Invité en Argentine par sa nièce Annette pour la promotion du film, il y rencontre en effet son épouse Alejandra.
Défenseur du son cubain à Mexico
Établi à Mexico, où l’âme cubaine résonne plus fort qu’en Argentine grâce à la proximité de l’île, Ferrer Jr. défend avec passion le son et le boléro face à des genres comme la salsa ou le reggaeton : « Ce sont des rythmes sensuels, contagieux, irrésistibles », affirme-t-il.
Ferrer père et fils à Buenos Aires. Photo de la famille.
TRADUCCION AL CASTELLANO
¡Ibrahim Ferrer, 20 años ya! Estas coincidencias me han vinculado constantemente con una figura emblemática de la música cubana.
5 de julio de 2025 en MÚSICA - NADINE CRAUSAZ
El 2 de agosto de 2005, Marciac palpitaba bajo un cielo de verano, sus calles empedradas resonaban con los sonidos del festival de jazz. El escenario principal, montado cada año bajo una inmensa carpa, bullía de expectación. Ibrahim Ferrer, figura emblemática de la música cubana y habitual de esta cita gascona, estaba tan solicitado como la leyenda que encarna, con su triunfo en el Buena Vista Social Club a sus espaldas. Su público estaba dispuesto a dejarse llevar por su cálida voz y los hechizantes ritmos del bolero cubano. Ese día era mi cumpleaños.
Cuando apareció en el escenario entre atronadores aplausos, me invadió una extraña sensación. No puedo explicarlo. Supe instintivamente que Ibrahim Ferrer estaba viviendo sus últimos momentos. Se me saltaron las lágrimas; ¿era yo el único del público que lo percibía? Cuatro días más tarde, a la edad de 78 años, falleció en La Habana.
Han pasado veinte años desde Marciac. Y las coincidencias han seguido uniéndome a Ibrahim Ferrer, Omara Portuondo y Raúl Paz. ¿Fue casualidad? ¿Fatalidad? Como si algo, o alguien, moviera los hilos con una precisión casi sobrenatural. ¿Cuba, guiada por sus orishas, orquestó este paso de la antorcha de sus leyendas a una nueva generación de artistas? Yo no lo sé. Simplemente soy testigo de un misterio que es más grande que yo.
Flashback
En 2004, durante mi primer viaje a Cuba, la música vibraba en las callejuelas a pesar de las limitaciones de un régimen que la había sofocado durante décadas. Estaba descubriendo esta perla del Caribe, marcada por contrastes sorprendentes y esa extraña mezcla de amor y desasosiego que te atrapa en cada esquina.
En Habana Vieja me recibió Enrique, un veterano de la Columna 8 de la Sierra Maestra. Preparaba un delicioso café con un calcetín fijado a la pared de su cocina. Allí conocí a una pareja francesa residente en Nyon. En este ambiente alegre nació una amistad.
En mayo de 2005, volví a La Habana con mi amiga Diane, y la isla literalmente echó raíces en nosotras. Incluso escuchamos el último discurso maratoniano de Fidel Castro para las celebraciones del Primero de Mayo, en la emblemática Plaza de la Revolución, entre más de un millón de cubanos.
De vuelta a Suiza, me detuve en la Fnac. Buscando un CD de Omara Portuondo, encontré Revolución, de Raúl Paz, un artista franco-cubano que no conocía. Lo compré enseguida. Sus melodías frescas, mezcla de pop y sonidos cubanos, me conquistaron enseguida. Cuba tejía su red a mi alrededor.
A propósito de Buena Vista, le había confesado a Diane, con cierto pesar, que todos los artistas debían de estar muertos, excepto quizá Omara. Ella me respondió: “ Comprobémoslo en Internet “.
Unos días más tarde, unos amigos franceses que había conocido en Cuba me hablaron de un festival en Vic-Fezensac, donde iba a actuar Raúl Paz. Me uní a ellos sin dudarlo. La complicidad instantánea hizo de este viaje por carretera una aventura memorable en el sur de Francia. El ambiente en Vic-Fezensac era electrizante. La banda latina encendió el escenario. Bailamos toda la noche y entablamos amistad con el cantante y sus músicos.
De Vic a Marciac
A continuación, nos dirigimos a Marciac para ver a Ibrahim Ferrer, programado para el 2 de agosto. El ambiente era más tranquilo que en Gers, más jazz. Nos apretujamos en la cuarta fila, emocionados e impacientes. Era el regalo perfecto: ¡mi deseo se había hecho realidad!
Cuando apareció Ibrahim Ferrer, frágil, encorvado, con la voz apenas audible, el público se quedó helado de desconcierto. Hubo algunos murmullos irritados, pero yo sentí algo muy distinto. Una certeza se apoderó de mí: había llegado al final. Llamé a Diane con voz temblorosa:
- Creo que va a morir.
Ella respondió suavemente
- Levanta la mano, envíale Luz.
Dos Gardenias
Luego cantó Dos Gardenias. Este éxito emblemático, sobre el amor y la traición, me atravesó. Instintivamente, le tendí discretamente las manos, como para darle una fuerza invisible, susurrándole en silencio:
- ¡No mueras, no mueras, no mueras, no mueras!
Entonces se produjo un momento sorprendente. Nuestras miradas se cruzaron.
Durante toda la canción, Ibrahim Ferrer sólo me miró a mí, ajeno a los 5.000 espectadores. Me quedé petrificada. Cerca de mí, un hombre gritaba indignado:
- ¡Es un escándalo, pague!
- ¿No ven que se está muriendo?
Alrededor, murmullos y una pregunta: ¿por qué me miraba así? Cuando terminó, regresó a los camerinos. Un largo interludio musical enmascaró la invasiva ausencia del viejo crooner, y el concierto terminó prematuramente. Algunos espectadores se me acercaron:
- ¿Le conoces? ¡Sólo te ha mirado!
Morir en La Habana
Entre bastidores, Ibrahim se desplomó en brazos de su esposa Caridad. Su nieto, miembro de su orquesta, se encargó rápidamente de trasladarlo en ambulancia a un hospital cercano, antes de tomar un vuelo a Cuba.
Nuestro pequeño grupo se puso de nuevo en marcha. La tristeza se reflejaba en nuestros rostros. En Sète, otro festival acogía a Raúl Paz. Asistimos, y el ambiente de alegría reavivó nuestro viaje. ¿Dos conciertos de Raulito en una semana? ¡La cura perfecta para la melancolía! Lo necesitaba, después del impactante episodio de Marciac. Se lo conté a Raulito:
- He visto a Ibrahim Ferrer. No sé si sigue vivo.
Al día siguiente, 6 de agosto de 2005, llegó la noticia: Ibrahim Ferrer había muerto en La Habana, rodeado de su familia y amigos.
Sin gardenias, pero con rosas rojas
Unas semanas más tarde, fiel a una promesa interior, volé a La Habana para depositar rosas rojas sobre su tumba. Hubiera preferido entregárselas en Montreux, en un estallido de risas cómplices y un momento mágico a orillas del lago Lemán. Pero el destino decidió otra cosa.
La única pregunta era dónde encontrar su tumba: ¿en Santiago, su ciudad natal, o en el vasto y tranquilo cementerio de Colón, en el corazón de La Habana? Elegí Colón. A la entrada, compré un ramo de rosas rojas y le pedí al vigilante que me confirmara que Ibrahim Ferrer estaba enterrado allí. Me indicó el lugar:
- Este es el panteón de la familia Ferrer-Díaz. Estuve allí el día que lo enterraron. Sígame, le mostraré el camino.
Una sobria última morada
Descubrí su última morada, una sobria tumba de mármol blanco, decorada con su retrato. Puse allí mis flores, medité un rato y luego me dirigí a Tulipán, al Museo Memorial Che Guevara. Una hora más tarde, de vuelta en el cementerio, me encontré con un hombre sentado en el borde de la bóveda, vertiendo ron en el suelo y bebiendo un sorbo. Me acerqué a él y le conté mi historia. Me sonrió:
- Soy Alexandre Ferrer, su nieto. Hoy cumplo 40 años. Mi primer cumpleaños sin él.
Me invitó a Habana Centro, a la casa donde Ibrahim había vivido durante mucho tiempo. Fidel Castro le había regalado más tarde una villa en el lujoso barrio de Miramar. Se reunieron unas veinte personas: vecinos, familiares y amigos. Entre música, recuerdos y risas, compartimos una comida caliente y bebimos ron barato.
Al día siguiente, Alexandre me llevó a Miramar, a casa de la viuda de Ibrahim, donde un pequeño museo recorría su carrera. Rodeado de fotos, discos de oro y trofeos internacionales, exploré su mundo. Mi nuevo amigo me contó que Ibrahim, ferviente seguidor de esta religión afrocubana que combina creencias yoruba y catolicismo, se había entristecido mucho por el robo del bastón ritual de la santería, que aparece en casi todos sus retratos.
Antes de irnos al anochecer por el Malecón, Alexandre me dio el número de su madre, Norma, que vive en Buenos Aires, y me dijo:
- Si vas a Argentina, ponte en contacto con ella de mi parte. Mi tío Ibrahim también vive allí.
Cuando llegué a Buenos Aires en 2008, intenté ponerme en contacto con Norma, la hija de Ibrahim, utilizando el número que me había dado Alexandre. Pero no pasó nada. Debía de ser un prefijo equivocado. Me desilusioné y acabé desistiendo.
Buenos Aires me recibió con los brazos abiertos y me dejé atrapar por esta ciudad hechizante.
Me puse en contacto con Cicerones, una asociación que ofrece visitas guiadas dirigidas por voluntarios. Hice una petición insólita: buscaba un guía apasionado por la historia del Che Guevara. Me respondieron de inmediato:
- Tenemos a la persona que necesita. Daniel Pena se reunirá con usted mañana a las 10 de la mañana en su hotel.
Al día siguiente, un hombre alto y rubio, con complexión de luchador, entró en el vestíbulo. Me saludó con una sonrisa franca.
- No esperaba conocer a una chica", dice, sorprendido por mi pregunta sobre el Che Guevara.
- No hay ningún problema. Me llaman “el Ruso” y me sé su historia de memoria", dice alegremente.
- Daniel, necesito tu ayuda.
Se lo cuento todo: Marciac, Dos Gardenias, la mirada de Ibrahim Ferrer, Alexandre, la tumba y ese número de teléfono sin respuesta.
- He guardado mi entrada para el concierto y me gustaría pasársela a su hijo.
Daniel me escucha en silencio. De repente, se queda paralizado. Saca el teléfono, busca un contacto, marca un número.
Y simplemente dice:
- ¡Ibrahim, hola, soy el ruso! Tenemos que vernos. Hay una señora suiza aquí. Estuvo en el último concierto de tu padre. Ella tiene algo para ti.
¿Qué probabilidades había de toparme con un argentino que me condujera directamente a Ibrahim Ferrer Jr. en la megalópolis de Buenos Aires? Quince millones de habitantes, un laberinto de calles y yo intentando en vano localizarlo. Al escuchar a Daniel por teléfono, me sorprendió el hecho increíble de que Ferrer y él sean grandes amigos.
Al día siguiente, en un café de la interminable avenida Santa Fe, Ibrahim Ferrer Jr. y su esposa Alejandra me miran de frente. Tienen los ojos empañados. Desenrollo mis recuerdos: Marciac, la intuición, el encuentro de miradas. Luego les entrego el billete.
Ibrahim lo coge, tembloroso:
- Lo guardaré siempre", murmura.
Unos días más tarde, me reuní con Ibrahim Jr. para asistir a un concierto de Omara Portuondo y Maria Bethânia en el Luna Park. Gracias a él, conocí a esta gran señora, toda sonrisas, entre bastidores. Nos hicimos una foto. Un momento suspendido.
En 2011, Ibrahim Jr. vino a Friburgo para dar un concierto con sus músicos cubanos. Le entrevisté y nuestro vínculo se estrechó.
Luego, el tiempo voló.
En 2022, desde Ciudad de México, le envié un mensaje, pensando que seguía en Buenos Aires. Me sorprendió su respuesta:
- Ahora vivimos en Ciudad de México.
Al día siguiente, nos reencontramos. Y todos esos recuerdos volvieron.
Entonces cantó Dos Gardenias. Este éxito emblemático, que habla
de amor y traición, me atravesó.
IBRAHIM FERRER JUNIOR, UN LEGADO MUSICAL FAMILIAR
Veinte años después de la muerte de Ibrahim Ferrer, su hijo mayor, Ibrahim Ferrer Jr, nacido en 1957 en Santiago de Cuba, continúa con autenticidad el legado del son cubano y el bolero. La familia Ferrer lleva la música en los genes:
Mis hermanas Norma y Marlen, nuestros hijos y nietos, todos son artistas: cantantes, músicos, bailarines. Todo tiene ritmo. En el vientre de mi madre, me arrullaban estas melodías. En Santiago, mi padre tocaba con un vaso de ron en la mano.
Animado desde niño a tocar diversos instrumentos -piano, percusión, guitarra e incluso un violín ruso que le regaló su padre-, Ibrahim hijo soñaba con cantar. Aunque su voz ronca y grave se consideraba inadecuada, nunca se rindió.
Un camino sembrado de escollos
Ibrahim Ferrer padre había desaconsejado a su hijo una carrera artística a tiempo completo, consciente de las dificultades de la profesión. Antes de su consagración a los 73 años gracias al documental de Wim Wenders, había trabajado en diversos oficios -fontanero, carpintero, limpiabotas- y cantado junto a Pacho Alonso y Benny Moré. Siguiendo las órdenes de su padre, Ferrer Jr. abrió un restaurante, Habana Vieja, en Buenos Aires. Pero en 2005, angustiado por la muerte de su padre, cerró el establecimiento y emprendió una carrera musical en solitario, desafiando las reticencias iniciales. Empezar después de 50 años fue un reto, pero su determinación sigue intacta. Puede que no iguale el genio de su padre, pero su corazón y su autenticidad continúan su legado musical.
La epopeya del Buena Vista Social Club
En 1997, Ibrahim Jr. participó en el proyecto Buena Vista Social Club como músico, corista y traductor. Lo que debía ser una simple grabación se convirtió en un fenómeno mundial gracias al documental de Wim Wenders: "Rubén González y Compay Segundo hicieron lo que quisieron. Nosotros sólo pretendíamos grabar un disco, pero Wenders filmó el estudio, haciendo un documental que se vio en todas partes", cuenta. Esta aventura transformó su vida. Invitado a Argentina por su sobrina Annette para promocionar la película, conoció a su esposa Alejandra.
Defensor del sonido cubano en Ciudad de México
Ahora afincado en Ciudad de México, donde el alma cubana resuena con más fuerza que en Argentina gracias a su proximidad con la isla, Ferrer Jr. es un apasionado defensor del son y el bolero frente a géneros como la salsa y el reggaeton: «Son ritmos sensuales, contagiosos, irresistibles», afirma.
Traducción realizada con la versión gratuita del traductor DeepL.com
dp
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